Torturée en Iran, je n'oublierai pas mes camarades de prison
Ancienne prisonnière politique en Iran
Quand je fus libérée des geôles iraniennes en 2014 et que je pus rejoindre l'Europe il y a quelques mois, je me suis promis d'être la voix de mes camarades prisonnières de conscience qui croupissent dans la sinistre prison d'Evine à Téhéran. De rendre hommage à la mémoire de ces ardentes militantes des droits humains qui résistent dans les conditions des plus éprouvantes face à la dérive autoritaire des mollahs.
Ma chère Chirine Alamhoula, cette jeune militante de la cause kurde, que j'appréciais pour sa flamme et ses convictions ardentes, est de ce nombre. Quand elle m'a quitté à la prison d'Evine pour aller sur l'échafaud, un jour de mai 2010, la première pensée qui m'est venue à l'esprit fut de dire: "ma sœur m'a quittée!". Accusée de Moharebeh (inimité à l'égard de Dieu) pour sa collaboration avec un mouvement kurde interdit, Pejak, cette jeune femme de 26 ans m'avait fait le récit de tortures effroyables endurées et son incarcération dans les abîmes de l'isolement pendant d'interminables mois. Son exécution, avec cinq de ses camarades hommes, suscita une grande émotion dans la prison et mit en évidence une fois de plus la cruauté des mollahs.
J'ai été arrêtée en février 2009, avec mon frère, suite à mes activités à l'université. J'ai alors passé trois mois au cachot à la section 209 de la prison d'Evine, subissant la torture. On torturait mon frère sous mes yeux. Ensuite le "tribunal de la révolution" m'a condamnée à cinq ans et exilée à la prison de Gohardasht. Mon frère Akbar et ma sœur Mahdieh, qui avaient rejoint les Moudjahidines du peuple à Achraf deux ans plus tôt, furent assassinés le 8 avril 2011 lors d'une attaque des agents du régime iranien contre ce camp de réfugiés, alors que j'étais en prison à Rajaï chahr.
En créant un climat de peur, le régime cherche à bâillonner la jeunesse débordante d'espérance pour un avenir débarrassé de l'emprise intégriste. Cette peur le régime cherche d'abord à l'instiller par sa police des mœurs, dont nous les filles en sommes la première cible. Sous prétexte d'appliquer le code vestimentaire, la gente féminine est harcelée en permanence pour le port incorrect du voile, pour les cheveux qui dépassent, le maquillage qui dérange, les manches trop courtes...
En prison
Dans les prisons, j'ai été témoin de la cruauté des crimes et de l'injustice des mollahs. A Evine, Gohardasht, Varamine, Garatchak, j'ai partagé ma vie avec des femmes condamnées pour des délits de droit commun. J'ai pu constater la profondeur de l'injustice et de la souffrance que le régime leur a infligé. Les tortures qu'elles ont subi seul un régime profondément misogyne pouvait les pratiquer. Elle n'avait aucune protection et personnes ne leur venait en aide. Je me suis promise d'être leur voix, celle des victimes de ce pouvoir criminel.
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